Statuette féminine
Turka, Burkina Faso
Les productions des différentes populations de la région du Sud-Ouest de l’actuel Burkina Faso présentent de nombreuses similitudes, ce qui rend difficile la provenance de cette statuette féminine, probablement utilisée dans un contexte divinatoire. La géométrie de ses volumes et la figuration des scarifications permettent de l’attribuer au style turka.
Statuette féminine
- Turka, Burkina Faso
- 19e siècle ou début du 20e siècle
- Bois
- H. 20,5 cm ; l. 8 cm ; P. 9 cm
Provenance
- Acquise par André Soing, entre 1909 et 1911.
- Transmis par descendance.
- Sotheby’s, Paris, 11 juin 2008, lot 75.
- Ancienne collection Marc Ladreit de Lacharrière, Paris.
- Musée du quai Branly - Jacques Chirac, Paris (70.2017.66.2). Donation Marc Ladreit de Lacharrière.
Contexte d’origine de l’œuvre
Cette statuette aurait été acquise dans la ville de Bobo-Dioulasso1, au sud-ouest de l’actuel Burkina Faso. C’est une zone de plaine, bordée au nord par une petite chaîne montagneuse dite falaise de Bobo-Dioulasso. Non loin des frontières du Mali et de la Côte d’Ivoire, la région comprend de nombreuses populations qui se sont développées en relation les unes avec les autres, suite aux diverses expansions territoriales, menaces politiques et flux migratoires. Bobo, Karaboro, Toussian, Gouin et Turka sont étroitement liés aux Sénoufo du nord avec lesquels ils partagent une structure sociale, une langue (branche du groupe Gour, de la famille linguistique Niger-Congo), un système de croyance et des pratiques culturelles similaires. Outre la sculpture, les arts de la vannerie, de la poterie et de la métallurgie occupent une place importante dans l’artisanat local2.
Les plus anciennes descriptions et illustrations occidentales de ce territoire se trouvent dans l'ouvrage du capitaine Louis-Gustave Binger, qui a sillonné la région entre 1887 et 18893.
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Hypothèses d’attribution et d’usage
Les rares sources disponibles soulignent la similitude des productions artistiques de la région. En 1935, dans son ouvrage Centres de style de la sculpture nègre africaine, le collectionneur danois Carl Kjersmeier attribuait une statuette semblable aux Bobo-Fing. La mention « turka » se rapporte alors à une statuette d’un style un peu différent. L’anthropologue autrichienne Herta Haselberger, qui a mené des recherches de terrain au début des années 1960, rattache quant à elle ce type de statuette aux Gouins ou aux Karaboro4. Aujourd’hui, même s’il reste difficile d’attribuer de manière certaine les productions sculptées à l’une ou l’autre de ces populations, les chercheurs et marchands d’art s’accordent sur la mention d’un style dit turka.
L’usage de cette statuette pourrait être lié à la pratique de la divination5 mais le manque de documentation à ce sujet ne permet pas de confirmer cette hypothèse avec certitude.
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Un style géométrique
Cette statuette féminine est présentée debout, les mains posées sur les hanches. La tête est soutenue par un cou massif. Des scarifications, sous la forme de trois petites marques horizontales partant en éventail sur le côté, rehaussent les yeux et la bouche. Ces ornements corporels sont caractéristiques de la région6. Le corps est construit en volumes géométriques. Les seins sont projetés en avant, tout comme le nombril, traité en fort relief. L’ensemble du corps est parcouru de petits points et incisions linéaires, figurant probablement des scarifications ou des tatouages.
Historique de l’œuvre et son parcours
Né en 1882 à Morlaix, dans le Finistère, André Gustave Soing (1882-1949) était médecin militaire. Médecin-major de 2e classe en Afrique Occidentale française, il est successivement affecté au Sénégal, au Niger et au Burkina Faso (1907-1912), et dans la région de Tombouctou, d’abord au poste de Gao (1913), puis au poste de Bandiagara (1914). Ses états de service mentionnent également sa présence en Mauritanie (1918-1922)7. Il aurait acquis cette statuette dans la ville de Bobo-Dioulasso (Burkina Faso). Les circonstances exactes de cette acquisition demeurent inconnues.
André Gustave Soing est rapatrié en France le 16 mars 1922, avant d’être affecté au 1er Régiment d’Infanterie Coloniale, à Cherbourg. Il est nommé Chevalier de la Légion d’Honneur en mai 1922. De ses années en Afrique Occidentale française, André Gustave Soing a rapporté plusieurs objets, notamment acquis à Bobo-Dioulasso – et transmis par descendance.
Bibliographie sélective et cartographie
Carte
Thierry Renard (2022), musée du quai Branly - Jacques Chirac, Paris.
Publications
BINGER Louis-Gustave, Du Niger au Golfe de Guinée par le pays de Kong et le Mossi : 1887-1889, Vol. 1&2, Hachette, Paris, 1892.
CASTELLANO Olivier, Sénoufo, galerie Olivier Castellano, Paris, 2014.
Catalogue Sotheby’s, Important art d’Afrique et d’Océanie, Paris, 11 juin 2008.
GAGLIARDI Susan Elizabeth (dir.), Senufo sans frontières, The Cleveland Museum of Art/5 Continents, Milan, 2015.
GLAZE Anita, Art and Death in a Senufo Village, Indiana University Press, Bloomington, 1981.
GOLDWATER Robert, Senufo Sculpture from West Africa, The Museum of Primitive Art, New York, 1964.
HASELBERGER, Herta, "Bemerkungen zum Kunsthandwerk in der Repulik Haute-Volta : Gourounsi und Altvölker des äussersten Suüdwestens", in Zeitschrift für Ethnologie, n° 94, 1969. Accessible en ligne: https://www.jstor.org/stable/25841215?seq=1#metadata_info_tab_contents . Consulté le 6 juillet 2021.
JOUBERT Hélène (sous la dir.), Éclectique : une collection du XXIe siècle, Musée du quai Branly-Jacques Chirac/Flammarion, Paris, 2016.
KJERSMEIER Carl, Centres de style de la sculpture nègre africaine, Vol. 1, Éditions Albert Morancé, Paris, 1935.
LAVAUD Jean-Claude, « Premier terrain chez les Turka du Burkina Faso », in Bulletin de l'Association française des anthropologues, L'ethnologue et son terrain. Tome II. Les cadets, sous la direction de Suzanne Lallemand, n° 31, Janvier-Mars 1988, pp. 35-40. Accessible en ligne : https://www.persee.fr/doc/jda_0249-7476_1988_num_31_1_1372 . Consulté le 6 juillet 2021.
LEM Frédéric-Henri, Sculptures soudanaises, Arts et métiers graphiques, Paris, 1948.
PICARD F., « Mœurs et coutumes des indigènes de la boucle du Niger », in Bulletins et Mémoires de la Société d'anthropologie de Paris, VI° série, tome 1, 1910, pp. 422-443. Accessible en ligne : https://www.persee.fr/doc/bmsap_0037-8984_1910_num_1_1_8273 . Consulté le 6 juillet 2021.
TAUXIER Louis, « Les Gouin et les Tourouka, résidence de Banfora, cercle de Bobo-Dioulasso. Étude ethnologique, suivie d'un double vocabulaire », in Journal de la Société des Africanistes, tome 3, fascicule 1, 1933, pp. 77-128. Accessible en ligne : https://www.persee.fr/doc/jafr_0037-9166_1933_num_3_1_1546 . Consulté le 6 juillet 2021.