Poupées de fécondité
Namji/Dowayo, Cameroun
Les poupées de fécondité ont pour rôle de protéger de la stérilité en symbolisant l’enfant à venir. Sous les nombreuses parures, le corps géométrique évoque un enfant que la mère en devenir doit porter à la manière d’un bébé. Le genre de la poupée – et de l’enfant souhaité, est indiqué par la présence ou l’absence d’une chevelure.
Poupée de fécondité (70.2017.66.20)
- Population Namji (ou Namchi), Dowayo
- Cameroun (province du Nord)
- 19e-20e siècle
- Bois, pigments, fibres végétales, coton, perles de verre
- 24 x 17 x 13 cm
Poupée de fécondité (70.2017.66.12)
- Population Namji (ou Namchi), Dowayo
- Cameroun (province du Nord)
- 19e-20e siècle
-
Bois, fibres végétales, coton, perles de verre, métal, cauris
-
27 x 10 x 8 cm
Provenance
-
Collectée par Alain Dufour à Foumban entre 1978 et 1980.
-
Maud et René Garcia, Galerie 62, Paris.
Ancienne collection Hélène et Philippe Leloup, Paris. -
Ancienne collection Marc Ladreit de Lacharrière, Paris.
-
Musée du quai Branly - Jacques Chirac, Paris (70.2017.66.20). Donation Marc Ladreit de Lacharrière.
Provenance
-
Collectée par Alain Dufour à Foumban entre 1978 et 1980.
-
Maud et René Garcia, Galerie 62, Paris.
-
Ancienne collection Hélène et Philippe Leloup, Paris.
-
Ancienne collection Marc Ladreit de Lacharrière, Paris.
-
Musée du quai Branly - Jacques Chirac, Paris (70.2017.66.12). Donation Marc Ladreit de Lacharrière.
Contexte d’origine de l’œuvre
Présentes sous des formes diverses dans toute l’Afrique subsaharienne, ces « poupées » véhiculent l’image de la femme nourricière, symbole de reproduction et de protection de la communauté. Chez les Dowayo du Cameroun, la poupée est censée garantir la fertilité des femmes menacées de stérilité1.
Peuple de cultivateurs et d’éleveurs de bovins2, les Dowayo dénommés Namji ou Namchi par leurs voisins Peuls3, occupent une région de savanes montagneuses à l’est des monts Atlantika4 au nord du Cameroun et à la frontière du Nigeria.
Profusion ornementale et usage ritualisé
Sculptées par les forgerons5 puis ornées par leurs propriétaires d’une multitude de perles de verre, de graines, de cauris ou d’éléments métalliques, les poupées sont portées par les femmes sur le dos ou le ventre6, et installées dans de petits porte-bébés7 à l’image de l’enfant qui viendra à naître.
______
6 Idem, p. 224.
7 Joubert, p. 68.
Poupées féminines et masculines
Les poupées Dowayo/Namji se caractérisent par un traitement géométrique du corps, qui rappelle la position d’un bébé au repos, et dont la structure disparaît sous l’abondance des parures. La petite tête dotée d’une coiffure à crête – que l’on observe sur les jeunes enfants – permet de distinguer le genre de ces poupées. Celles dont la crête sommitale présente de petits trous destinés à insérer des cheveux ou des brins de laine sont masculines tandis que celles qui en sont dépourvues, sont féminines. La poupée est ainsi conçue comme une projection de l’enfant désiré8. Ces deux exemplaires (l’une d’elles présentant des petites touffes en fibres et l’autre de longues lanières perlées) sont donc des poupées masculines9.
8 Baecke, p. 227.
Assurer le cycle des réincarnations et protéger de la maladie
Chez les Dowayo, les poupées de fécondité sont également liées au cycle de réincarnation des ancêtres vers les nouveaux-nés10 – une dynamique liée à la question de la fertilité.
Ces poupées seraient également dotées d’une fonction prophylactique, notamment dans le traitement d’une maladie mortelle appelée zaaze11, touchant essentiellement les enfants12.
______
Historique de l’œuvre et son parcours
Ces deux poupées furent achetées par l’expert et marchand Alain Dufour, au marché des Antiquaires de Foumban, à la fin des années 1970. Alain Dufour n’a que 14 ans lorsqu’il acquiert sa première œuvre africaine, dans un magasin d’antiquités de l’ouest de la France13. Il commença à voyager en Afrique en 1965, tout d’abord au Sénégal et en Côte d’Ivoire. Il a notamment exercé la fonction d’adjoint coopérant au conservateur du musée de l’IFAN, à Dakar, entre 1967 et 196814. Il se rendit également à de nombreuses reprises au Bénin et au Cameroun. En 1974, il s’établit à Ramatuelle avant d’ouvrir une seconde galerie, à Saint-Maur, en 1989.
Les poupées furent ensuite acquises par les marchands et collectionneurs Maud et René Garcia qui les présentèrent en décembre 1981 lors d’une exposition consacrée aux Namji15 dans leur galerie du village suisse à Paris (Galerie 62). Elles rejoignirent ensuite la collection d’Hélène et Philippe Leloup, puis celle de Marc Ladreit de Lacharrière.
______
Bibliographie sélective et cartographie
Cartes
Thierry Renard (2022), musée du quai Branly - Jacques Chirac, Paris.
Publications
BARLEY Nigel, Un anthropologue en déroute, Paris, Payot & Rivages, 2001.
BARLEY Nigel, Le retour de l'anthropologue, Paris, Payot, 2002.
BARLEY Nigel, Symbolic structures : an exploration of the culture of the Dowayos, Cambridge University Press, Éditions de la Maison des Sciences de l'Homme, Paris, 1983.
CAMERON Elisabeth L., Isn’t s/he a doll ? : play and ritual in African sculpture, UCLA Fowler Museum of Cultural History, Los Angeles,1996.
CASU Jean-Christophe, La Vie sociale des Dowayo, une ethnie du Nord Cameroun, École pratique des hautes études, Paris, 1975.
FALGAYRETTES-LEVEAU Christiane, Femmes dans les arts d’Afrique, Paris, Musée Dapper, 2010.
GARDI René, « Über den Totenkult bei den Doayo in Nordkamerun » in Carl A. Schmitz und Robert Wildhaber (dir.), Festschrift Alfred Bühler, Pharos-Verlag, Bâle, 1965, p. 117-125.
JOUBERT Hélène (Dir.), Éclectique : Une collection du XXIe siècle, Paris, Musée du Quai Branly - Jacques Chirac, Flammarion, 2016, pp. 68-70.
KRÜGER Christoph, Dowayo : Namchi Puppen aus Kamerun Die Dowayo und ihr Kult, Düsseldorf, Verlag U. Gottschalk, 2003.
SEIGNOBOS Christian, « Les Dowayo et leurs taurins » [archive], in Des taurins et des hommes : Cameroun, Nigeria, ORSTOM, Paris, 1998, pp. 61-62.
WEIDHOLZ Alfred, Bei ben Bergheiden in Nordkamerun, Vienne, Ostmarken-Verlag, 1941.
Catalogues de ventes
Sotheby’s Paris, Arts d’Afrique et d’Océanie, 4 décembre 2008.
Sotheby’s Paris, Arts d’Afrique et d’Océanie, 3 décembre 2009.
Sotheby’s Paris, Arts d’Afrique et d’Océanie, 22 juin 2016.