Gardien de reliquaire
eyema-byeri
Fang Okak, République gabonaise/République de Guinée équatoriale
Les gardiens de reliquaire eyema-byeri sont représentés le plus souvent en pied et très rarement en buste ou sous la forme d’une tête. Ils sont placés au-dessus de paniers-reliquaires contenant les restes des ancêtres les plus importants du lignage. Les gardiens de reliquaire faisaient l’objet d’offrandes régulières afin de favoriser la communication avec les ancêtres.
Statue d'ancêtre, gardien de reliquaire eyema-byeri
- Population Fang, sous-groupe Okak
- République gabonaise/République de Guinée équatoriale
- 19e siècle
- Bois, laiton, patine noire suintante, traces de prélèvements rituels
- 51 x 15 x 12 cm
Provenance
- Ancienne collection Paul Guillaume (1891-1934), Paris.
- Ancienne collection André Fourquet (1928-2001), Paris.
- Ancienne collection privée, Paris.
- Galerie Alain de Monbrison, Paris.
- Ancienne collection Marc Ladreit de Lacharrière, Paris.
- Musée du quai Branly - Jacques Chirac, Paris (70.2017.66.16), Paris. Donation Marc Ladreit de Lacharrière.
Contexte d’origine de l’œuvre
Le byeri et les gardiens de reliquaire des Fang
Les gardiens de reliquaire, connus sous le nom d’eyema-byeri ou nlo byeri, gardaient les précieuses reliques lignagères1. Ces sculptures anthropomorphes en pied, plus rarement des bustes (eyema-byeri « l’image du byeri »), ou des têtes seules (nlo byeri « tête du byeri ») surmontaient des paniers-reliquaires en écorce.
Pour consulter les ancêtres avant une décision importante ou s'attirer leur bienveillance, les paniers-reliquaires devaient être honorés régulièrement de sang, de sciure de bois ou de résine, d’offrandes de nourriture ou de boissons et de nombreuses onctions d'huile de palme. Ces effigies du byeri pouvaient également être utilisées dans le cadre du melan, l’initiation des jeunes hommes, afin de transmettre l’histoire et la généalogie du groupe.
Malgré une société patrilinéaire, certaines femmes, généralement des mères ayant une importante descendance, pouvaient accéder au statut d’ancêtre. Cette représentation de la femme ancêtre, symbole de fécondité et de prospérité se retrouve dans cette effigie au torse vigoureux dont émerge la poitrine d’une femme mûre, déjà marquée par les signes de l’allaitement.
La patine, à savoir la coloration et la texture – parfois suintante – que prend un matériau suite aux manipulations et aux dépôts successifs, témoigne de l’ancienneté d’une œuvre et de son usage rituel. Les analyses de la composition des patines de cinq byeri fang du musée du quai Branly - Jacques Chirac apportent un éclairage intéressant sur ce phénomène2.
L’aire culturelle fang et les archétypes stylistiques
Les Fang, constitués de différents sous-groupes, occupent une vaste zone entre le Sud de la République du Cameroun (Mabéa, Ngumba), la République de Guinée équatoriale (Okak3), le nord de la République du Gabon et la République populaire du Congo (Betsi, Mvai et Ntumu).
Il est possible d’identifier plusieurs styles régionaux. L’analyse de ce gardien de reliquaire montre toutefois une réalité plus complexe.
Si le traitement réaliste de la coiffure est caractéristique des Fang Betsi, ce torse féminin présente de nombreuses particularités morphologiques attribuables aux productions des Fang Okak : membres courts et formes pleines4. La tête volumineuse – signe de puissance – est marquée par un front bombé décoré de scarifications ponctiformes et par une bouche prognathe. Le regard est accentué par l’adjonction de rondelles de laiton. Les arcades sourcilières, légèrement concaves, esquissent dans la partie intérieure du visage, une forme de cœur.
2 Le scanner à rayon X a permis de distinguer trois « états » du bois et deux phases de pénétration des patines liées à leur usage. Christophe Moulherat, chargé d’analyses des collections du Musée du quai Branly - Jacques Chirac : « Le premier [état] correspond à l’état du bois brut (couleur marron), le second témoigne de la pénétration à coeur d’un liquide, sans doute à la suite d’une immersion (couleur verte) et enfin un dernier état correspond aux dépôts successifs liés aux rituels (couleur bleue). ».
Des coiffes et des parures
La finesse des détails témoigne du raffinement des parures et de l’art corporel chez les Fang. L’effigie porte un collier monoxyle, probablement un torque akuré. La coiffure évoque des cheveux naturels finement tressés se rejoignant en une longue queue divisée en plusieurs mèches retombant au milieu du dos5.
Historique de l’œuvre et son parcours
Ce gardien de reliquaire fit partie de la collection du marchand et collectionneur Paul Guillaume (1891-1934) qui nourrissait une affection particulière pour les arts du Gabon. Ce buste fut notamment présenté en 1930 à l’exposition d’art africain et océanien de la Galerie du théâtre Pigalle à Paris. Une partie de sa collection fut mise en vente6 en 1965, à Paris. L’effigie rejoignit alors la collection du parisien André Fourquet (1928-2001) qui contribua à faire redécouvrir les productions artistiques des Fang Okak peu présentes en France7.
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Bibliographie sélective et cartographie
Cartes
Thierry Renard (2020), musée du quai Branly - Jacques Chirac, Paris.
Publications
DAGEN Philippe, Charles Ratton. L’invention des arts « primitifs », Paris, Musée du quai-Branly, Skira Flammarion, 2013.
DU CHAILLU Paul Belloni, Voyages et aventures dans l’Afrique équatoriale, Paris, Lévy Frères,1863.
FALGAYRETTE-LEVEAU Christiane, LABURTHE-TOLRA Philippe, Fang, Paris, Musée Dapper, 1991.
FALGAYRETTE-LEVEAU Christiane, DELORME Gérard, LEVEAU Michel, Gabon. Présence des esprits, Paris, Musée Dapper, 2006.
HORNN Michèle et PIGEARIAS, « Paul Guillaume et l’art africain. Histoire d’une collection à la lumière de nouvelles recherches » in Tribal Art Magazine, Printemps 2011, n° 59.
JOUBERT Hélène (Dir.), Éclectique : Une collection du XXIe siècle, Paris, Musée du quai Branly - Jacques Chirac, Flammarion, 2016.
KERCHACHE Jacques, PAUDRAT Jean-Louis, STEPHAN Lucien, L'art africain, Paris, Mazenod, 1988.
LA GAMMA Alisa, Eternal Ancestors: the Arts of the Central African Reliquary, New York, The Metropolitan Museum of Art, 2008.
LE FUR Yves (Dir.), Musée du quai Branly : La collection, Paris, Musée du quai Branly, Skira Flammarion, 2009, pp. 82-83.
LE FUR Yves (Dir.), Forêts natales, Arts d’Afrique équatoriale atlantique, Paris, Musée du quai Branly - Jacques Chirac, Actes Sud, 2017.
MARQUETTY M.V., Exposition d’art Africain et d’art océanien, Paris, Galerie Pigalle, 1930.
MURPHY Maureen, De l'imaginaire au musée : les arts d'Afrique à Paris et à New York, 1931-2006, Saint-Etienne, Presses du réel, 2009.
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PERROIS Louis, Art ancestral du Gabon, Genève, Musée Barbier-Mueller, 1985.
PERROIS Louis, SIERRA DELAGE Martha, L’Art Fang de Guinée équatoriale, Barcelone, Fondación Folch, Paris, Le Cercle d’Art, 1991.
PERROIS Louis et SAVARY Claude, Le Gabon de Fernand Grébert, 1913-1932, Genève, Musée d’ethnographie de Genève, 2003.