Gardien de reliquaire boho-na-bwete
Kota, Gabon
De l’est du Gabon jusqu’au Congo, les populations kota réalisent des gardiens de reliquaires boho-n-bwete aux styles très variés. Placés sur des paniers en vannerie qui contiennent les reliques des ancêtres les plus illustres de la lignée, les gardiens de reliquaires participent aux culte des ancêtres et assistent aux différents rituels de consultation entourant ces reliques.
Gardien de reliquaire boho-na-bwete
- Population Kota, sous-groupe Shake-Shamaye
- République gabonaise
- 19e siècle
- Bois, laiton, cuivre
- 41 x 15,5 x 10 cm
Provenance
- Acquis par le frère D., missionnaire d’Afrique, à son retour en Europe, vers 1930, sans doute auprès d’un membre de la congrégation du Saint-Esprit.
- Offert en 1935 au Dr. André Mary et à son épouse Lucienne, après leur retour du Togo.
- Conservé à leur domicile à Colmar (Haute-Alsace).
- Transmis par descendance.
- Sotheby’s, Paris, 12 décembre 2012, lot n° 90.
- Ancienne collection Marc Ladreit de Lacharrière, Paris.
- Musée du quai Branly - Jacques Chirac, Paris (70.2017.66.22). Donation Marc Ladreit de Lacharrière.
Contexte d’origine de l’œuvre
Associés au culte des ancêtres bwete, les gardiens de reliquaire Kota, connus sous le nom de boho-na-bwete (ou mbulu-ngulu), surmontaient des paniers en vannerie contenant les reliques des plus illustres ancêtres du lignage.
Pour activer le lien avec les ancêtres et s'attirer leur bienveillance, les reliques étaient sorties de leur panier, et faisaient l’objet d’offrandes et de libations rituelles. En dehors des rites, les reliquaires étaient disposés sous un auvent-sanctuaire, dont on ne connaît que de très rares témoignages.
La consultation des ancêtres intervenait pour toute prise de décision importante : alliances politiques, mariages, guerres, déplacements, plantations, épidémies, chasse... Garants de la prospérité, de la fécondité et de la richesse de la communauté, les ancêtres pouvaient aussi constituer des éléments perturbateurs dangereux s'ils n’étaient pas régulièrement honorés.
Les reliquaires jouaient également un rôle essentiel dans l’initiation des jeunes garçons. La sortie des paniers reliquaires est l’occasion de raconter l’histoire des lignages et les hauts faits des ancêtres.
Comme le montre l’analyse par tomographie1 d’un autre gardien de reliquaire Kota conservé au musée du quai Branly - Jacques Chirac2, les reliques étaient constituées de prélèvements osseux3 effectués sur les défunts du clan auxquels étaient parfois mêlés des parures, des plantes, des graines, des ossements d’animaux et d’autres éléments symboliques.
Influences stylistiques
Les différents groupes rattachés aux Kota – Mahongwe, Shamaye, Shaké, Obamba, Wumbu, Ndassa – se répartissent sur une zone allant de l’est de la République gabonaise jusqu’à la République du Congo.
Il est possible de définir plusieurs centres stylistiques, toutefois, l’analyse de ce gardien de reliquaire montre une réalité plus complexe faite de contacts et d’influences4.
Le gardien de reliquaire est composé d’une âme de bois sculptée recouverte de lamelles ou plaques de cuivre et de laiton, souvent d’importation européenne5. La brillance du métal, souvent poli au sable, traduit le pouvoir de vigilance des ancêtres.
Le piètement évoque de manière schématique le reste du corps. Le front pyramidal, projeté en haut-relief, se rattache aux productions des Shaké. Quant à la structure en amande du visage, elle dénote une influence des Shamaye. Le traitement des yeux par l’adjonction de petites rondelles de laiton est commun à plusieurs groupes. Par ailleurs, la coiffe constituée d’un cimier sommital en croissant et d’ailettes latérales dotées de petites excroissances obliques, se retrouve chez les Kota Obamba6.
_____
Historique de l’œuvre et son parcours
Cette effigie fut acquise par le frère D., missionnaire d’Afrique, à son retour en Europe dans les années 1930. Si l’évangélisation des peuples passait par l’exhortation à délaisser les pratiques religieuses locales – d’où l’abandon de certaines effigies – les collectes et observations des missionnaires, ont souvent contribué à apporter des témoignages sur les structures linguistiques et les pratiques socio-culturelles des populations qu’ils côtoyèrent, parfois durant de très longues périodes.
Cette figure de gardien de reliquaire fut offerte par le frère D. au Dr. André Mary et son épouse Lucienne, qui la conservèrent dans leur collection à Colmar. Elle fut transmise par descendance avant d’être mise aux enchères et acquise par Marc Ladreit de Lacharrière, en 2012.
Bibliographie sélective et cartographie
Cartes
Thierry Renard (2020), musée du quai Branly - Jacques Chirac, Paris.
Publications
ANDERSSON Efraïm, Contribution à l’ethnographie des Kuta, t. I & II, Uppsala, 1953 et 1974.
BRAZZA Pierre Savorgnan de, « Voyages dans l’Ouest africain » in Le Tour du Monde, t. LIV et LVI, Paris, 1887 et 1888.
BRUNATTI Attilio, I Popoli del mondo ; Usi e costumi, Africa, Vol. II, 1913.
CHAFFIN Alain et Françoise, Art Kota, Meudon, Ed. Chaffin, 1980.
CHAUVET Stephen, L’art funéraire au Gabon, Paris, Maloine, 1933.
DELORME Gérard, « L’art funéraire Kota » in Arts d’Afrique Noire, n° 122 et 123, Paris, 2002.
FALGAYRETTE-LEVEAU Christiane, DELORME Gérard, LEVEAU Michel, Gabon. Présence des esprits, Paris, Musée Dapper, 2006.
FALGAYRETTE-LEVEAU Christiane (Dir.), La voie des ancêtres, Paris, Editions Dapper, 1986.
GUIRAL Léon, Le Congo français du Gabon à Brazzaville, Paris, Plon, 1889.
JOUBERT Hélène (Dir.), Éclectique : Une collection du XXIe siècle, Paris, Musée du quai Branly - Jacques Chirac, Flammarion, 2016, pp. 78-80.
LA GAMMA Alisa, Eternal Ancestors : the Arts of the Central African Reliquary, New York, The Metropolitan Museum of Art, 2008.
LE FUR Yves (Dir.), Forêts natales, Arts d’Afrique équatoriale atlantique, Paris, Musée du quai Branly - Jacques Chirac, Actes Sud, 2017.
PERROIS Louis, « Chronique du pays Kota, Gabon » in Cahier des Sciences Humaines, Paris, O.R.S.T.O.M, 1970.
PERROIS Louis, Arts du Gabon, Arnouville, Ed. AAN, 1979.
PERROIS Louis, Art ancestral du Gabon, Genève, Musée Barbier-Mueller, 1985.
PERROIS Louis (Dir.), L’Esprit de la forêt. Terres du Gabon, Bordeaux, Musée d’Aquitaine, Paris, Somogy, 1997.
PERROIS Louis, Kota, Milan, 5 Continents, 2012.
PERROIS Louis, « Les figures de reliquaires des Kota d’Afrique équatoriale : du terrain aux collections » in Tribal Art Magazine, Hors-Série n° 5, 2015, pp. 12-29.
RUBIN William (Dir.), Primitivisme dans l’art du XXe siècle. Les artistes modernes devant l’art tribal, 2 vol., Paris, Flammarion, 1987.
SEGY Ladislas, « Bakota Funerary Figures » in Zaïre, Louvain, 1952, vol. VI, n° 5.