Statue protectrice nkishi
République démocratique du Congo, Songye
Cette grande statue masculine nkishi protégeait le clan et son chef par ses pouvoirs magico-religieux. Sa force s'exprime par la vitalité du regard, la bouche en avancée et les traits incrustés de métal. Le cou est orné de colliers recouverts de peau de serpent. Des crochets en forme d'hameçon y sont suspendus symbolisant l'arc -en-ciel qui capture les âmes des défunts. Le nombril porte une large plaque en cuivre qui recouvre un orifice rempli d'ingrédients magiques.
Statue protectrice nkishi
- Population Songye, sous-groupe Kalebwe
- République démocratique du Congo
- 19e siècle
- Bois, cuivre, fer, fibres végétales, peaux de reptiles, amalgame de substances diverses, pigments (ancien pagne et bâton perdus)
- H : 86,5 cm ; l : 30 cm ; P : 27 cm.
Provenance
- Collectée à Lubumbashi (anciennement Elisabethville) entre 1934 et 1935 par le Dr. Lucien van Hoorde, Bruxelles
- Ancienne collection Albert Godart, Belgique
- Wayne Heathcote, Londres
- Ancienne collection Bernard Cats, Bruxelles. Pierre Dartevelle, Bruxelles
- Sotheby’s, Paris, 23 juin 2006, lot n° 131
- Ancienne collection Marc Ladreit de Lacharrière, Paris
- Musée du quai Branly - Jacques Chirac (70.2017.66.4), Donation Marc Ladreit de Lacharrière.
Contexte d’origine de l’oeuvre
Utilisée comme un moyen de médiation entre les hommes et les esprits des défunts, cette statue protectrice nkishi (pl. mankishi) nous éclaire sur le monde spirituel et rituel complexe des Songye, établis au cœur des savanes boisées du sud de la République démocratique du Congo.
Les Songye occupent un vaste territoire qui s’étend sur les provinces du Kasaï oriental, du Katanga et une partie du sud du Kivu. Cette zone est bordée par différents fleuves et affluents du fleuve Congo : le Lubilash et le Sankuru à l’ouest, le Lomami au centre, et le Lualaba à l’est. Cette aire géographique très étendue explique en partie l'abondance et la diversité des statues produites sur le territoire. Les Songye sont organisés en chefferies plus ou moins importantes avec un pouvoir plus ou moins centralisé. S’ils partagent un patrimoine socio-culturel, linguistique, politique et spirituel communs, ils ne forment pas un ensemble homogène et se divisent en différents sous-groupes marqués par des variations de structures socio-culturelles et linguistiques plus ou moins importantes selon les régions. L’appellation Songye concerne essentiellement les chefferies du groupe oriental, considéré comme le plus traditionnel et occupant la zone la plus préservée du territoire. Les autres chefferies, notamment les Kalebwe, Milembwe, Eki, Ilande, Bala, Tschofa, Sanga, Tempa, se désignent différemment. Enfin le territoire Songye entretient des liens particuliers avec le royaume Luba au sud, ce qui explique les similarités dans leur système de pensée ainsi que dans leurs structures socio-culturelles et linguistiques.
Les statues protectrices mankishi des Songye : une médiation entre les hommes et les esprits
Supports matériels des rites magico-religieux, les statues mankishi songye, utilisées pour favoriser guérison, fécondité, chance et protection, se rattachent à un ensemble particulier d’objets à but propitiatoire appelé bwanga (pl. manga). Ces objets cultuels manga à fonction protectrice, prophylactique et thérapeutique peuvent prendre différentes formes ou être constitués d’assemblage d’objets ou d’amalgames de matériaux divers. Les mankishi, qui constituent une forme particulière de manga, prennent l’apparence de statues anthropomorphes, généralement masculines, dont certaines caractéristiques formelles et attributs constituent des symboles liés à la cosmogonie et aux mythes fondateurs. Les mythes cosmogoniques songye étaient enseignés au sein de la société initiatique du Bukishi fortement liée au pouvoir politique. L’initiation au Bukishi était divisée en deux étapes ou phases rituelles, celle du Bukishi wa ntoshi (Bukishi de la terre blanche) symbolisant l’univers céleste lié aux esprits bienveillants et celle du Bukishi wa nkula (Bukishi de la poudre rouge) symbolisant l’univers terrestre où se meuvent les esprits malveillants.
Réceptacles des esprits des morts appelés mikishi (sg. mukishi), les statues protectrices mankishi occupaient une place extrêmement importante dans les pratiques rituelles des Songye. Selon leur cosmogonie et leur système de pensée, notamment la conception du cycle de la vie et de la mort, chaque homme vivant est doté d’un esprit appelé kikudi (pl. bikudi) qui, à sa mort, quitte son enveloppe charnelle pour se réincarner ensuite dans le corps d’un nouveau-né. Cette continuité du cycle de la vie, de la naissance à la mort, souligne l’importance des esprits des défunts et leur intervention récurrente dans la vie quotidienne des vivants. Elle témoigne également d’une conception duale caractéristique du monde spirituel songye car certains esprits mikishi, ne pouvant se réincarner, étaient condamnés à errer sur terre et se muaient alors en esprits malveillants, accablant les vivants de différents maux. Si certains groupes songye font la différence entre les bikudi, les esprits réincarnés bienveillants et les mikishi, les esprits errants malveillants, d’autres groupes comme les Kalebwe nomment indifféremment mikishi les esprits des morts bénéfiques et maléfiques.
D’une charge magique pour activer l’effigie à un réseau de galeries interne
Une statue protectrice nkishi était le fruit du travail à la fois du sculpteur et du nganga (pl. baganga), le devin-guérisseur ou spécialiste rituel. Pour la réalisation des mankishi communautaires, on faisait souvent appel aux meilleurs sculpteurs. L’arbre était soigneusement choisi, pour ses qualités curatives par exemple. L’abattage et le travail de sculpture étaient fortement ritualisés, régis par des règles et des interdits, et faisaient l’objet de sacrifices et d’offrandes pour s’attirer la bienveillance des esprits. Une fois l’effigie réalisée par le sculpteur, le nganga intervenait pour activer le nkishi. Cette activation était rendue possible par l’adjonction d’une ou plusieurs charges magiques portant le nom de bishimba. Cette charge magique était placée sur des points vitaux, comme la tête, le dos ou le ventre, la zone ombilicale étant généralement la zone privilégiée. Le bishimba était composé d’un amalgame d’ingrédients magiques et symboliques, uniquement connus du praticien et sélectionnés avec précision par ses soins. Selon Dunja Hersak, des cheveux ou des ongles des habitants du village, le cordon ombilical de jumeaux, des plumes de hibou, des griffes de félidés, ou encore des ossements de guerriers pouvaient entrer dans la composition du bishimba. La sélection de ces composantes magiques se faisait en fonction des qualités attendues du nkishi ; qualités censées favoriser son efficacité face aux sortilèges à déjouer. Ces substances actives, protectrices et bénéfiques, jouaient un rôle de premier ordre dans la lutte contre les esprits maléfiques et les fauteurs de troubles, à un niveau individuel et collectif. Sans cette charge magique, le nkishi n’avait aucun pouvoir. Des examens par tomographie X réalisés sur une statue nkishi du musée du quai Branly - Jacques Chirac (Inv. 70.2012.29.1.1) ont permis de lever le voile sur certains secrets gardés par ces effigies, jusqu’à présents insoupçonnés car indétectables à l’œil nu. Outre la présence de la charge ventrale bishimba, les résultats ont révélé un important système de galeries internes - notamment une communication entre l’axe partant du nombril et l’axe de la colonne vertébrale - qui se déploient à l’intérieur de la statue, sortes de tuyaux nourriciers permettant de renouveler la puissance magique du nkishi1.
Parfois le nganga pouvait à la fois sculpter et activer l’effigie protectrice. La puissance du nkishi était également intrinsèquement liée au pouvoir du nganga dont la mort pouvait compromettre l’efficacité de la statue qu’il avait activée.
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1 Comme le souligne Christophe Moulherat, chargé d’analyses des collections du musée du quai Branly - Jacques Chirac, « l’étonnante complexité du réseau interne de canaux qui […] structure [la statue] […] met en connexion le sommet de la tête, qui est traditionnellement le point du corps de communication avec les esprits des ancêtres, et la totalité des ouvertures (oreilles, nombril, bouche, fondement) en passant par l’axe de la colonne vertébrale. Cet examen révèle donc tout un niveau symbolique de ces connexions [invisibles] et […] jamais […] décrites dans la littérature. »
Des effigies personnelles et communautaires
Bien que certains spécialistes considèrent que les fonctions des mankishi sont liées à des variations stylistiques régionales et non pas à leur taille, d’autres études basées sur des enquêtes de terrain en pays songye, comme celles d’Alan P. Merriam ou de Dunja Hersak, ont différencié deux types de statues mankishi songye : les statuettes mankishi de petite taille à usage individuel, personnel ou familial, et les statues dites communautaires à usage collectif et de taille plus importante. Celles-ci, pouvant dépasser un mètre de haut, étaient destinées à protéger l’ensemble du village contre les maladies, la sorcellerie et les conflits armés. Ces mankishi communautaires, dotées d’un nom et d’un patronyme illustre, étaient garantes de l’harmonie de la communauté, de la conservation du territoire et de la fertilité des femmes.
Processus d’activation et cycle de réincarnation des esprits
Selon les observations de terrain, les rituels d’élaboration et d’activation suivaient le calendrier lunaire et les différents cycles des récoltes, de manière à recharger le pouvoir du nkishi comme les champs étaient rechargés par l’action de la lune et des esprits cumulés. L’activation de la statue intervenait dans le cadre d’un rituel nocturne durant lequel la statue recevait son ou ses bishimba ainsi que ses accessoires symboliques renforçant son pouvoir et évoquant les attributs d’ancêtres importants. Certains de ces accessoires constituaient des manga dotés d’un bishimba ou des amulettes diverses - généralement antipoison - renvoyant aux objets protecteurs portés au quotidien par les chefs, les devins-guérisseurs baganga, les forgerons ou les chasseurs ; figures illustres dont les qualités et les talents étaient requis pour l’efficience du nkishi communautaire.
Ce processus d’activation, qui revêtait une dimension cosmogonique et hautement symbolique liée au cycle de réincarnation des esprits, se déroulait à la lueur d’un feu, symbole du soleil et de la lune, enfants du dieu suprême Efile Mukulu Mulungu. Selon les mythes songye, ce dernier chargea ses enfants de différentes missions : il demanda ainsi à la chauve-souris Kafulufulu de collecter les esprits bikudi des hommes, à Arc-en-ciel de les capturer, et au Vent de les envoyer près de la Lune et de Vénus, dans la sphère céleste gardée par l’étoile Alderaban d’où les esprits repartiront ensuite pour se réincarner sur terre. Par ailleurs, à l’instar de la nature duelle des esprits des morts, les objets cultuels manga tels que les mankishi, pouvaient être manipulés à la fois par le devin-guérisseur nganga aux pouvoirs bénéfiques et thérapeutiques mais aussi par le sorcier ndoshi (pl. bandoshi) aux pouvoirs maléfiques. Néanmoins, cette dualité est mouvante et ambiguë à l’image des sacrifices qui doivent être faits par celui-même qui manipule la magie à but propitiatoire.
Si les petits mankishi personnels étaient conservés chez leur propriétaire, les grands mankishi communautaires prenaient place au centre du village, dans un sanctuaire particulier nommé shibo ya bwanga. Ils étaient confiés à la surveillance d’un gardien appelé nkunja, généralement un homme ou une femme âgés. Ceux- ci étaient dotés de pouvoirs médiumniques et pouvaient interpréter et relayer les messages du nkishi dont ils avaient la garde. À chaque nouvelle lune, un rituel lié à la fertilité était organisé, destiné essentiellement à renouveler les pouvoirs du nkishi communautaire. Lors de ce rituel de la nouvelle lune, dont pouvaient également profiter les mankishi individiduels, le nkishi communautaire était déplacé de son sanctuaire, pour être installé sur le siège du chef et exposé en public. Des offrandes de nourriture étaient réalisées, généralement du foie de poulet et du manioc, ainsi que des libations de sang de coq et d’huile de palme pour favoriser le lien avec les ancêtres et les esprits. Suite à ces actions conjuguées, la statue dont l’efficience était renforcée pour l’ensemble de la communauté était ensuite déplacée dans tout le village et portée grâce à deux bâtons insérés dans des ouvertures ménagées sous les aisselles, qui permettaient de la soulever sans la toucher. Les sorties publiques du nkishi pouvaient également avoir lieu lorsque son gardien annonçait un danger perçu lors d’une transe ou en rêve.
Des gestes et des attributs symboliques
Si la patine témoigne des multiples libations dont cette statue nkishi bénéficia, les choix plastiques qui présidèrent à sa réalisation sont également particulièrement porteurs de sens. En outre, ses accessoires et certains matériaux particuliers, renforçant à la fois sa puissance visuelle et son efficience, évoqueraient les esprits des fondateurs de la chefferie, les mythes cosmogoniques et des symboles liés à la société initiatique du Bukishi. À l’instar du crâne ici dénudé, rehaussé dans sa partie arrière et auparavant orné de plumes, de peaux animales, ou d’éléments métalliques, de très nombreuses statues mankishi songye ont perdu certains ou la totalité de leurs accessoires, perdant en même temps des renseignements précieux sur leur symbolique et leur histoire. Des photographies antérieures à 2004 montrent que ce nkishi a été démuni, entre 2002 et 2004, de sa jupe de fibres et de son petit bâton katundu (pl. tutundu), attachés au niveau des hanches. D’après François Neyt, le bâton ou double pilon renverrait à une conception duale, bénéfique et maléfique, des pratiques magiques. Pour Viviane Baecke, cet accessoire serait spécifique aux grandes statues mankishi communautaires des Kalebwe et servait à déterminer si le pouvoir de la statue était encore effectif à la mort du nganga qui l’avait activée. Quant à la jupe en raphia, elle constitue un insigne symbolique du chef, faisant de ce nkishi une figure d'autorité politique et religieuse. La barbe est d’ailleurs l’apanage des hommes mûrs et renvoie à la sagesse qui ne s’acquiert que par l’expérience complexe de la vie.
Éléments métalliques et évocation de l’ancêtre primordial forgeron
Quant aux éléments métalliques qui se déploient sur son visage, ponctuent son regard, soulignent sa barbe, son nez et son front, agrémentent ses ornements de cou et ferment son bishimba inséré dans une cavité ombilicale, ils constituent une évocation de l'ancêtre primordial forgeron. L’alliance du cuivre et du fer, et donc des couleurs rouges et blanches pourrait également symboliser les deux étapes rituelles de la société initiatique du Bukishi. Là se rejouaient les mythes de création songye, dans l’enclos initiatique compartimenté en différentes enceintes renvoyant aux sphères terrestres et célestes. Les petits éléments en fer, sortes de crochets suspendus à l’un de ses colliers, pourraient évoquer la dynamique de réincarnation des esprits et symboliser les hameçons qu’Arc-en-ciel utilisa dans le mythe de création pour capturer les bikudi des morts. Cette évocation d’Arc-en-ciel capturant les esprits est étayée par l’utilisation de peaux de reptiles remplies de bishimba et de clous de tapissier recouvrant les anneaux du cou de l’effigie. En effet, les mythes rapportent qu'Arc-en-ciel pouvait également prendre l’apparence d’un serpent. La forme annelée du cou pourrait ainsi évoquer « les ondulations montantes, le bouillonnement des eaux, les pluies fécondantes et la réminiscence du python. »2
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Des gestes et des formes
Vecteurs de symboles forts, les gestes et les postures s’expriment à leur tour pour témoigner de la vigilance de l’effigie. Une attention particulière est portée ainsi à certains sens perceptifs tels que la vue, l’ouïe et l’odorat. Selon François Neyt, la forme de l’œil en amande « évoque le monde bienfaisant de la nouvelle lune et l’énergie qui en émane. Les yeux mi-clos rappellent ces moments de passage entre le jour et la nuit où les esprits des ancêtres reviennent […]. »3 Cette insistance sur l’omniscience du regard est renforcée par la représentation des pupilles, ici signifiées par deux clous qui forment le regard et lui donnent vie par cet infime éclat du métal. L’importance des yeux pourrait également renvoyer aux mythes cosmogoniques, notamment au « Galao aux yeux désorbités » dont l’union avec l’étoile filante engendra le premier homme. L’accentuation du volume de la bouche, caractéristique des styles Kalebwe, souligne l’importance du message à délivrer. Certains mankishi avaient d’ailleurs la bouche remplie d’amalgames rituels, de poils et de bouts de tissus. Les oreilles destinées à recevoir les messages imperceptibles des esprits prennent ici une forme particulière. François Neyt indique que « certaines effigies ont même le canal acoustique creusé de part en part croisant un orifice vertical remontant jusqu’à la fontanelle. »4 Le nez recouvert d’une plaque de cuivre et de clous de tapissier évoque l’importance de l’odorat grâce auquel « l’ancêtre filtre les esprits qui entrent et sortent par le souffle. »5 Les pieds solidement ancrés sur leur socle évoquent la stabilité, l’équilibre et l’harmonie retrouvée face à l’ordre troublé. Enfin, l’importance de la zone ventrale protubérante accueillant le bishimba est soulignée par la position des mains placées de part et d’autre de l’ombilic en signe de protection. Ce ventre caractéristique, gonflé de recevoir la charge magique qui active sa puissance, apparaît également comme une évocation de la grossesse, et par extension un symbole de fertilité et de pérennité de la communauté.
Une œuvre des ateliers des Kalebwe centraux et méridionaux
La statuaire songye se caractérise par une très grande diversité stylistique. Sans indications précises sur l’origine des œuvres conservées dans les collections européennes, il n’est pas toujours aisé d’identifier précisément les zones de création, en raison notamment des mouvements de population. En outre, la renommée de certains baganga et sculpteurs était telle que des statues pouvaient être commandées à des spécialistes reconnus pour leur capacité à créer des mankishi particulièrement puissants. Certaines statues, réputées pour leur efficacité, furent donc utilisées bien loin de leur zone de création voire chez des peuples voisins, notamment à la cour du royaume Kuba au nord-ouest du pays songye. Malgré ces difficultés d’attribution, des études ethno-morphologiques basées sur les caractéristiques formelles et les décors d’un important corpus de statues mankishi songye ont tenté de déterminer des aires stylistiques ou des ateliers répartis géographiquement reliés à des groupes particuliers.
Cette statue nkishi se rattache au style des ateliers des Kalebwe centraux et méridionaux, une des principales chefferies songye. Très reconnaissable, la statuaire Kalebwe se caractérise par des volumes puissants et géométrisés, des épaules aux plans épannelés presque à angle droit, un cou cylindrique et annelé. La structure des visages est elle aussi caractéristique et évoque celle des masques emblématiques kifwebe songye, avec cette projection rectangulaire de la bouche creusée en profondeur, et ce nez triangulaire et fort qui se déploie dans le prolongement du front. Les volumes arrondis du haut du visage et du front bombé, soulignés par les courbes des arcades sourcilières, contrastent avec les angles affûtés de la partie inférieure du visage qui se projettent vers le bas pour former un appendice signifiant la barbe. Selon François Neyt, cette statue dont il existe des œuvres très proches voire du même sculpteur « est représentative d’un atelier qui peut être localisé au nord de celui des Bena Nsala, sur la rive droite du Moyen-Lomami, aux abords de Lubao (anciennement Sentery). »6
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Historique de l’œuvre et son parcours
Ce nkishi fait partie d’un ensemble important de six statues mankishi songye collectées entre 1934 et 1935 par le Dr. Lucien Van Hoorde. Toutes proviennent de l’aire stylistique Kalebwe entre Tshofa et Kabinda. Des notes accompagnant cette collecte donnent des indications évoquant la « société secrète ya Ntambwe ou ya Nkimo » ainsi que les noms des personnages (ya Wukumkishi, ya Kasongo, ya Thsykudi, ya Muluba, ya Ntambwe, et ya Ukimo) auxquels les statues mankishi sont reliées. Cependant, les notes documentaires de Lucien Van Hoorde n’ont pu être identifiés avec précision ni reliés aux statues correspondantes. Bien que son nom ne soit pas connu avec certitude, cette statue nous éclaire néanmoins sur les attributions stylistiques établies et sur certains accessoires qui pourraient bien être spécifiques aux statues mankishi communautaires des Kalebwe. Avant de rejoindre en 2013 la collection de Marc Ladreit de Lacharrière qui en fit don au musée du quai Branly - Jacques Chirac en 2017, cette statue fut liée à plusieurs collections belges importantes, notamment celle du Dr Albert Godart qui possédait au moins trois mankishi Kalebwe ramenés par Lucien Van Hoorde.
Bibliographie sélective et cartographie
Cartes
Thierry Renard (2020), musée du quai Branly - Jacques Chirac, Paris.
Publications
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BASTIN Marie-Louise, Utotombo : l’art de l’Afrique noire dans les collections privées belges, Bruxelles, Palais des Beaux-Arts, 1988.
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